Il est dispensable de présenter Grand Corps Malade, cet amoureux des mots en général et du slam en particulier. Ces textes sonnent et résonnent aux oreilles de ceux et celles qui apprécient le genre. Il manie le verbe avec talent tant sur le papier que dans l’oralité. Grand Corps Malade sort du slam avec son premier roman, totalement écrit en prose. Un roman porté sur un épisode de sa vie, l’après accident, sa rééducation, son immersion violente dans le monde des grands handicapés.
Le livre de Grand Corps Malade n’est pas triste pour autant, ce n’est pas parce que l’on évoque le mot handicap que le lecteur doit se mettre à larmoyer. Il n’est pas non plus question ici de prendre une leçon de morale, de celle qui nous fait sentir coupable de notre manque d’intérêt quotidien pour ces personnes en souffrance physique.
Grand Corps Malade, que finalement on appellera désormais Fabien, puisqu’il s’agit ici de sa vie et non plus d’une mise en scène, raconte, se libère, partage, ce moment où tout a basculé. Ce moment où, paralysé des pieds à la tête, il doit tout ré-apprendre, physiquement. Fabien nous conte ses rencontres, nous livre son regard sur les patients du centre de ré-éducation, il nous parle d’espoir et de désespoir, mais sans jamais tomber dans le pathos. Ses mots sont justes, simples, rudes aussi parfois, mais ils évoquent la vie. La vie d’un centre de ré-éducation vu par un jeune adulte de 20 ans, formé à la « chambrette ».
On ne sombre pas dans le côté dramatique qu’on aime accolé systématiquement aux handicapés. Bien sûr, le sujet n’est pas drôle, on ne rira pas devant la détresse profonde des patients rencontrés dans ces pages. Fabien nous confronte à ce délicat sujet simplement, « c’est comme ça, c’est la vie », de façon presque froide mais non dénuée de sentiments. Les mots et le ton sont simplement justes.
Pour qui connait bien la voix de Grand Corps Malade, elle accompagne au long de cette lecture. Du coup, cela donne un effet assez particulier. Ce n’est plus votre petite voix intérieure qui lit, mais bien son auteur qui vous raconte lui-même son histoire. Et puis, il suffit de lire les deux slam proposés en début de livre pour retrouver cette musicalité dans la lecture. Elle se perd parfois et il est intéressant de la retrouver, pour donner vraiment un aspect différent au texte. C’est de la prose avant tout, pas toujours simple à déclamer, mais il est des moments où elle s’enrichit de cet autre genre, de cette oralité et elle y puise aussi sa force.
Mention très spéciale au slam Je dors sur mes deux oreilles, qui devrait rejoindre le panthéon des textes qui accompagnent une vie. Mais ceci est tout à fait personnel.
Patients de Grand Corps Malade, aux éditions Don Quichotte.
GIGANT a dit :
C’est un livre vrai, sincère, rempli de ces petites choses du quotidien, qui nous paraissent tellement évidentes que l’on ne se rend même pas compte de la complexité qu’elles génèrent quand on est valide. Et pourtant, enlevez-nous un bras, 2 bras, voire les 2 jambes…et comment vivre sans ? c’est un livre qui m’a beaucoup touchée, qui se lit rapidement, et qui nous rapproche de ces personnes qui vivent un enfer…Merci à Grand Corps malade, que j’affectionne tout particulièrement.